Résumés du n° 83 (juin 2022)

lundi 13 juin 2022
par  Danielle Delmaire
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Dossier

Discours de Guillaume Pepy, président de la SNCF. Bobigny, 25 janvier 2011. Commenté par Danielle Delmaire

Le 25 janvier 2011, Guillaume Pepy, président de la SNCF prononçait un discours, dans la gare désaffectée de Bobigny d’où sont partis des convois de la déportation des Juifs de juillet 1943 à août 1944. C’était à l’occasion de l’inauguration d’un lieu de mémoire. Ce discours, analysé ici, reconnaît l’implication de la SNCF dans la formation des convois mais aussi le courage de cheminots rebelles à l’occupation.

On January 25, 2011, Guillaume Pepy, president of the French National Railways Company (SNCF), gave a speech in the disused Bobigny train station, from where deportation convoys of Jews left from July 1943 to August 1944. It was on the occasion of the inauguration of a memorial site. This speech, which is analyzed here, recognizes the involvement of the SNCF in the formation of the convoys, but also the courage of railway workers who rebelled against the occupation.

La SNCF face à la Shoah. Ses infrastructures, son personnel par Danielle Delmaire

Les rails, les wagons, les gares sont l’infrastructure qui a permis la mise en œuvre de la déportation des Juifs. Toutefois, les trains et les gares ont aussi été des lieux qui ont facilité la fuite des Juifs vers des refuges ou qui ont facilité des sauvetages. Le personnel de la SNCF, cheminots et travailleurs sociaux, a participé à ces sauvetages. En revanche, ce fut parfois dans les trains et les gares que des Juifs furent arrêtés et le personnel juif de la SNCF a été en grand partie licencié.

The rails, the wagons and the train stations are the infrastructure that enabled the deportation of the Jews to be implemented. However, trains and stations were also places that facilitated the escape of Jews to refuges and places of rescue. The French National Railways Company (SNCF) personnel, railway workers and social workers participated in these rescues. On the other hand, it was sometimes in trains and stations that Jews were arrested and the Jewish employees of the SNCF were largely dismissed.

Gares de déportation des Juifs de France par Thomas Fontaine

Les gares surgissent furtivement des témoignages des internés et des déportés. Elles sont pourtant un des maillons essentiels dans l’organi- sation du génocide. Pour le montrer, en suivant l’exemple de la France occupée, il faut rappeler la géographie et la chronologie des principales déportations ; ainsi que l’organisation, la logistique des transferts d’in- ternés et des déportations.

Stations come up stealthily from the memories of the internees and deportees. Yet, they are a key link in the genocide organization. In order to show it, following the example of occupied France, one must bear in mind the geography and chronology of the main deportations, as well as the organization, logistics of the transfers of internees and the deportations.

Les cheminots Justes parmi les Nations, essai de prosopographie par Laurent Thévenet

Au cours de l’Occupation allemande, des cheminots aident, cachent et sauvent des enfants et des familles juives persécutés et menacés de déportation. 55 d’entre eux seront reconnus Justes parmi les Nations. Cet essai de prosopographie présente ces Justes et résume des sauvetages selon les périodes et leur localisation. Il éclaire par des situations vécues, les motivations de ces gestes de solidarité : l’engagement politique, la foi ou la pratique religieuse, tout comme les relations de voisinage qui ont pu jouer un rôle décisif dans la prise de décision. Le regard porte également sur certains Justes et tout particulièrement sur les femmes dont le rôle apparaît souvent déterminant.

During the German Occupation, railway workers helped, hid and rescued Jewish children and families persecuted and threatened with deporta- tion. 55 of them will be recognized as Righteous Among the Nations. This prosopography essay presents these Righteous and summarizes rescues according to the periods and their location. It sheds light on the motivations for these gestures of solidarity through lived situations : political commitment, faith or religious practice, as well as neighbourly relations that may have played a decisive role in decision-making. The focus is also on some of the righteous and especially on women whose role often appears decisive.

« Combien de tours de roue, d’arrêts et de départs ? ». Mémoires de la dimension ferroviaire des déportations, 1942-2022 par Christian Chevandier

La convention d’armistice de juin 1940 obligeait le gouvernement français à mettre certains de ses moyens au service des Allemands. Or, beaucoup de membres de ce groupe social qui a fait fonctionner le système ferro- viaire ont lutté contre l’occupant, aussi bien des syndicalistes que des cadres. Deux mémoires distinctes de la résistance des cheminots se sont opposées dès la fin des années 1940. À la fin du XXe siècle, elles ont été déstabilisées par le reproche de la conduite des trains de la déportation.

By the June 1940 armistice agreement, the French government was held to provide to the German occupant administrative and economic institutions and ressources. Many social group members which made the rail system to operate, trade unionists and executives, fighted against the nazis. So, two different railworkers Resistance memories clashed since the late 1940. In the late twentieth century, criticism for driving deportation trains destabilized them.

Varia

Hommage à Theodor Lessing (1872-1933). Antisémitisme dans l’Empire allemand et la République de Weimar par Martine Benoit

Assassiné il y a 89 ans par des hommes de main des nazis alors qu’il se croyait en sécurité à Marienbad, Theodor Lessing est considéré comme l’une des personnalités les plus haïes de la République de Weimar. Il aura été sa vie durant en butte à de très nombreuses vexations, humiliations et attaques antisémites que cet article retrace à grands traits.

Murdered 89 years ago by Nazi henchmen while he thought he was safe in Marienbad, Theodor Lessing is considered one of the most hated per- sonalities of the Weimar Republic. Throughout his life, he was subjected to numerous anti-Semitic vexations, humiliations and attacks, which this article describes in brief.

Édition

Reconstitution conjecturale d’une pièce de théâtre détruite d’André Schwarz-Bart : Kaddish. (Présentation, annotations, agencement et édition de fragments et brouillons) par Francine Kaufmann

André Schwarz-Bart, Prix Goncourt 1959, a relativement peu publié dans sa vie. Mais il n’a jamais cessé d’écrire, déchirant, brûlant, jetant dans une déchetterie, nombre de manuscrits. Dans ses notes, il mentionne deux œuvres qu’il regrette d’avoir détruites. L’une est une pièce de théâtre consacrée à son père déporté : Kaddish. Invitée à travailler dans le bureau de l’écrivain défunt à Goyave, en Guadeloupe (entre 2010 et 2016), j’ai entrepris de repérer, photocopier, retaper, des fragments de brouillons portant sur Kaddish : plans, dialogues, didascalies, notes de travail, thématique. Des références à des cassettes audio m’ont poussée à interroger Simone Schwarz-Bart. Parmi les cassettes retrouvées, neuf concernaient Kaddish. J’ai décidé de reconstituer, de manière conjecturale, ce qu’aurait pu être un texte suivi, cohérent, qui utiliserait les passages rédigés de trois versions de la pièce, agencés en fonction des indications présentes dans les notes écrites ou orales d’André Schwarz-Bart. D’autres reconstitutions restent possibles.

André Schwarz-Bart, recipient of the 1959 Goncourt Prize, published relatively little in his life. But he never stopped writing, tearing up, bur- ning, throwing away in a garbage dump, many manuscripts. In his notes, he mentions two works that he regrets having destroyed. One is a play dedicated to his deported father : Kaddish. Invited to work in the office of the deceased writer in Goyave, Guadeloupe (between 2010 and 2016), I undertook to locate, photocopy, type, fragments of drafts from Kaddish : plans, dialogues, didascalies, working notes, thematic. References to audio cassettes led me to question Simone Schwarz-Bart. Among the tapes she found, nine were about Kaddish. I decided to reconstitute, in a speculative way, what could have been a coherent text, which would use the written passages of three versions of the piece, assembled according to the indications present in André Schwarz-Bart’s written or oral notes. Other reconstructions are still possible.