Résumés du n° 88 (décembre 2024)

jeudi 12 décembre 2024
par  Danielle Delmaire
popularité : 37%

Dossier

Les pionniers de la traduction en français de la littérature sioniste et hébraïque moderne au XXe siècle par Francine Kaufmann
Dans les années 1920, dans le sillage de l’Affaire Dreyfus, du dévelop- pement du mouvement sioniste et plus tard après la Seconde Guerre mondiale, on voit s’imposer en France une redéfinition de l’identité juive et de la notion de « peuple juif », accompagnée d’un surgissement d’États-nations et d’un embryon de Foyer national juif dans la Palestine mandataire. À Jérusalem l’Organisation sioniste mondiale (OSM) crée une maison d’édition qui encourage les traductions de textes sionistes et de la jeune littérature du Yichouv (la communauté juive de Palestine). En France, encore imprégnée de goût pour l’Orientalisme, on commence à s’intéresser non seulement à l’exotisme de la littérature juive de Diaspora, mais aussi à la vie des pionniers et des combattants juifs de Palestine. Des maisons d’édition ouvrent des collections de littérature étrangère et introduisent aussi, pour des considérations littéraires, les créateurs hébraïques. La demande créant l’offre, une première génération de tra- ducteurs de l’hébreu au français s’improvise, sans formation préalable. Une vingtaine d’ouvrages sont traduits entre 1931 et 1960. Plusieurs noms de traducteurs se dégagent, dont ceux des poètes Ovadia Camhy et Joseph Milbauer qui font découvrir en français les princes des poètes hébraïques modernes : notamment Bialik et Tchernichovsky, mais aussi des conteurs et des romanciers. D’autres ne sont pas écrivains de pro- fession. Ils n’en sont pas moins d’excellents traducteurs comme l’érudit Moché Catane, le Dr en médecine Émile Junès, ou la méconnue Fanny Pinès. C’est à la découverte de ces pionniers de la traduction sioniste et hébraïque moderne qu’est consacrée cette étude.
Mots-clés : traduction textes sionistes, Ovadiah Camhy, Émile Junès, Joseph Milbauer, Moché Catane, Fanny Pinès

In the 1920s, in the wake of the Dreyfus Affair, the expansion of the Zionist movement and later, after the Second World War, a redefinition of Jewish identity and of the notion of the “Jewish people” took hold in France, with the emergence of nation-states and the embryonic Jewish National Home in Mandatory Palestine. In Jerusalem, the World Zionist Organization (WZO) set up a publishing house to promote translations of Zionist texts and of the young literature of the Yishuv (the Jewish community of Palestine). In France, still imbued with a love for Orientalism, interest began to focus not only on the exoticism of Jewish literature from the Diaspora, but also on the lives of Jewish pioneers and fighters in Palestine. Publishing houses opened collections of foreign literature, introducing Hebrew creators for literary considerations. As demand created supply, a first generation of Hebrew-to-French translators began to work in the field, without any prior training. Some twenty books were translated between 1931 and 1960. Several translators emerged, including poets Ovadia Camhy and Joseph Milbauer, who introduced French readers to the princes of modern Hebrew poets, notably Bialik and Tchernichovsky, as well as storytellers and novelists. Others are not writers by profession. They are nonetheless excellent translators, like the erudite Moché Catane, the medical doctor Émile Junès, or the little-known Fanny Pinès. This study is dedicated to discovering these pioneers of modern Zionist and Hebrew translation.
Keywords : Zionist texts translation, Ovadiah Camhy, Émile Junès, Joseph Milbauer, Moché Catane, Fanny Pinès

« Fonder l’État de l’Esprit » : David Ben Gourion et la traduction par Nir Ratzkovsky
L’article explore un chapitre peu connu de l’histoire de la traduction hébraïque au XXe siècle : l’initiative de David Ben Gourion dans les années 1950 visant à traduire les « livres exemplaires » de la littérature mondiale. Il analyse sa vision de la traduction comme acte sioniste, les caractéristiques distinctives de son projet, les motivations derrière le choix des œuvres, et sa conception de la « bonne traduction ».
Mots-clés : traduction, sionisme, Ben Gourion

The article explores a little-known chapter in the history of Hebrew translation in the 20th century : David Ben Gurion’s initiative in the 1950s of translating the “exemplary books” of world literature. It analyzes his view of translation as a Zionist act, the distinctive features of his project, the motivations behind the selection of works, and his concept of a “good translation.”
Key words : Translation, Zionism, Ben Gurion

Défis et enjeux de la traduction littéraire : vers une anthologie judéo-espagnole dans le cadre du projet LJTrad par Sarah Gimenez
Cet article examine les défis de la traduction littéraire dans le cadre du pro- jet LJTrad, qui vise à préserver et diffuser les littératures en langues juives, telles que le yiddish et le judéo-espagnol. La création d’une anthologie judéo-espagnole fait face à des obstacles liés à la classification des genres littéraires et à la fidélité aux textes originaux. Il analyse les spécificités linguistiques et culturelles de cette littérature ainsi que les stratégies pour surmonter les difficultés de traduction. Enfin, il souligne l’importance de ces traductions pour la préservation du patrimoine et la recherche.
Mots-clés : Judéo-espagnol, traduction, anthologie, genres littéraires, langues juives

This article explores the challenges of literary translation within the LJTrad project, which aims to preserve and promote Jewish-language literatures, including Yiddish and Judeo-Spanish. The creation of a Judeo-Spanish anthology faces obstacles such as genre classification and fidelity to the original texts. It analyzes the linguistic and cultural particularities of this literature, along with strategies to overcome translation difficulties. Finally, the article highlights the importance of these translations for cultural preservation and academic research.
Keywords : Judeo-Spanish, translation, anthology, literary genres, Jewish languages

Don Quichotte en yiddish : le noble et tragique destin du dernier des chevaliers errants dans la langue vagabonde par Arnaud Bikard
L’article propose une analyse raisonnée des traductions de Don Quichotte de Cervantès en yiddish aux XIXe et XXe siècles. Après avoir présenté le rôle fondateur du roman de Mendele Moykher Sforim inspiré du chef-d’œuvre espagnol ainsi que proposé un panorama des traductions hébraïques, avec une insistance particulière sur celle de Bialik, comme objet de comparaison, l’article examine individuellement les cinq traduc- tions et adaptations principales du roman publiées en yiddish de 1897 à 1951 en insistant sur leur signification dans l’histoire du développement de cette littérature minoritaire, diasporique et menacée.
Mots-clés : yiddish, traduction, Don Quichotte, littérature mondiale

This article offers a reasoned analysis of translations of Cervantes’ Don Quixote into Yiddish in the 19th and 20th centuries. After presenting the founding role of Mendele Moykher Sforim’s novel inspired by the Spanish masterpiece and after offering a panorama of its Hebrew translations, with particular emphasis on Bialik’s as an object of comparison, the article examines individually the five main translations and adaptations of the novel published in Yiddish from 1897 to 1951, focusing on their significance in the history of the development of this minority, diasporic and threatened literature.
Keywords : Yiddish, translation, Don Quixote, world literature

Les voix poétiques réunies de Rachel (Rokhl) Korn et Chantal Ringuet par Simone Grossman
Dans Forêt en chambre, Chantal Ringuet s’inspire de la poésie de Rachel Korn, poète yiddish d’origine galicienne, survivante de la Shoah immi- grée à Montréal en 1948. L’intertexte des poèmes de Korn traduits du yiddish intronise un dialogue post-mémoriel réunissant les poètes, les continents et les époques. Dupliquant le dialogisme poétique, les images d’Eléonore Goldberg et de Marc-André Foisy orchestrent les échanges intersémiotiques dans Forêt en chambre où les corolles ocres et vertes, contiguës au blanc du corps humain, figurent la thématique sylvestre commune de Korn et Ringuet réunissant la forêt-cimetière galicienne et le parc montréalais.
Mots-clés : poésie, Shoah, traduction, création, Montréaĺ

In Forêt en chambre (The Forest in the Room), Chantal Ringuet is ins- pired by the poetry of Rachel Korn, a Yiddish poet of Galician origin, a Holocaust survivor who immigrated to Montreal in 1948. The intertext of Korn’s poems translated from Yiddish enthrones a post-memorial dialogue that brings together poets, continents, and eras. Duplicating poetic dialogism, Eléonore Goldberg’s and Marc-André Foisy’s images orchestrate the intersemiotic exchanges in Forêt en chambre, where ochre and green corollas, contiguous to the white of the human body, represent Korn and Ringuet’s common sylvan theme uniting the Galician forest-cemetery and the Montreal park.
Keywords : poetry, Shoah, translation, creation, Montreal

Les faux-amis du traducteur de yiddish en hébreu par Benny Mer
Cet article traite de l’une des questions essentielles de la traduction du yiddish en hébreu et de sa mise en pratique : les « faux amis », c’est-à-dire les hébraïsmes en yiddish. Ces mots, et parfois expressions complètes dans la langue de la Bible, ont une signification différente dans les deux langues et les traducteurs doivent trancher : conserver l’origine hébraïque du yiddish et payer le prix d’un sens différent ou considérer les hébraïsmes comme des mots en langue « étrangère ». Sont étudiés les différents genres de « faux amis » : les hébraïsmes qui ont un sens complètement dissemblable dans les deux langues, ceux qui comportent seulement des nuances distinctes, les expressions typiques, les emplois ironiques et ce qui en découle. Des exemples sont proposés à travers la poésie du poète yiddish Yankev Glatstein dans des traductions anciennes et récentes.
Mots-clés : traduction, yiddish, hébraïsmes, faux amis, Glatstein

This article deals with one of the key issues in Yiddish to Hebrew transla- tion and practice : “false friends”, i.e. Hebraisms in Yiddish. These words, and sometimes complete expressions in the language of the Bible, have different meanings in the two languages, and translators have to decide whether to retain the Hebrew origin of Yiddish and pay the price of a different meaning, or to consider Hebraisms as words in a “foreign” language. The different types of “false friends” are examined : Hebraisms that have completely different meanings in the two languages, those that only have distinct nuances, typical expressions, ironic uses and their consequences. Examples are offered through the poetry of the Yiddish poet Yankev Glatstein in old and recent translations.
Keywords : translation, Yiddish, Hebraism, false friends, Glatstein

Nés à Oswiecim, assassinés à Auschwitz par Gérard Panczer et Sylvie Altar
La consultation des archives a permis d’identifier 5 223 Juifs Polonais, nés dans la localité d’Oswiecim, déportés, et qui, pour la plupart, furent assassinés à Auschwitz. Nombreux sont ces natifs d’Oswiecim qui s’ins- tallèrent dans d’autres villes en Pologne ou dans un autre pays européen (Allemagne, Tchécoslovaquie, France, Autriche, Hongrie, Belgique et Pays-Bas). Le parcours de plusieurs des déportés de France a pu être reconstitué. Ces déportés, dont la spécificité est d’être nés à Oswiecim et envoyés à Auschwitz-Birkenau, forment une communauté partageant un même destin tragique.
Mots-clés : Oswiecim, Auschwitz-Birkenau, émigration, déportation, France
Consultation of the archives made it possible to identify 5,223 Polish Jews, born in the locality of Oswiecim, deported, and most of whom murdered at Auschwitz. Many those natives of Oswiecim settled in other cities in Poland or in another European country (Germany, Czechoslovakia, France, Austria, Hungary, Belgium and the Netherlands). The history of several of the deportees from France has been reconstructed. These deportees, whose specificity is to have been born in Oswiecim and sent to Auschwitz-Birkenau, form a community sharing a same tragic destiny.
Keywords : Oswiecim, Auschwitz-Birkenau, emigration, deportation, France